Végétalisation des menus des hôpitaux : entretien avec Virginie Bach, diététicienne

Les établissements publics de santé peinent à appliquer la loi Climat, pourtant en vigueur depuis le 1ᵉʳ janvier 2023. Une option végétarienne doit être proposée tous les jours aux personnels hospitaliers et patient·es, comme le prévoit la loi. Assiettes Végétales appelle à signer une pétition nationale pour végétaliser les menus des hôpitaux.

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Virginie Bach, diététicienne nutritionniste, explique pourquoi il est important que les établissements publics de santé, tout comme les autres restaurants collectifs, appliquent la loi pour le bien-être de leurs patient·es et personnels.

Virginie Bach, diététicienne

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis diététicienne en libéral, près de Colmar en Alsace. Ma spécialité principale est la prise en charge des personnes végétariennes (allant du flexitarisme au végétalisme), avec ou sans pathologie, et aux différents âges de la vie. Je suis également formatrice sur ce thème pour les professionnels de santé, via notamment :

  • le Centre de formation diététique et comportement (CFDC) où je propose une formation complète en e-learning
  • le DU « Alimentations végétariennes » de l’université Paris-Sorbonne où je fais deux interventions en relation avec le végétarisme, l’une portant sur le « Syndrome de l’intestin irritable » et l’autre sur les « Troubles des conduites alimentaires »

Par ailleurs, je suis membre du conseil scientifique de l’« Observatoire National des Alimentations Végétales » depuis sa création en 2020.

Quels sont les risques liés à la surconsommation de viande et autres produits d’origine animale ?

Cette question est assez délicate à traiter. Il me semble important de distinguer d’une part les recommandations générales applicables à l’échelle d’une population (champ de la santé publique), et d’autre part, les conseils alimentaires et nutritionnels personnalisés tels que je peux les donner dans le cadre de mon activité clinique.

Avec le PNNS 4 (Programme National Nutrition Santé), la population française est incitée à « réduire la viande : porc, bœuf, veau, mouton, agneau, abats ». Plus précisément, le PNNS 4 estime que la consommation de viande (à l’exception de la volaille) ne devrait pas dépasser 500g/semaine, ce qui revient à réduire la consommation moyenne des Français à maximum 4 portions par semaine. Au-delà de ce seuil de consommation, les données épidémiologiques indiquent un sur-risque de cancer, de diabète et de maladies cardiovasculaires.

Concernant la consommation de poisson, l’Anses (agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) précise que « les poissons peuvent être contaminés par des polluants présents dans l’environnement dont les dioxines, les PCB ou le méthylmercure, qui peuvent avoir des effets néfastes sur la santé en cas de surexposition », si bien que les autorités sanitaires françaises recommandent de ne pas dépasser deux portions par semaine. Concernant les produits laitiers, aucun consensus n’émerge des études épidémiologiques en cas de forte consommation. Il faut cependant noter que la recommandation actuelle de consommation pour l’adulte (PNNS4) a été ramenée à deux portions quotidiennes alors qu’une consommation de trois portions par jour était précédemment conseillée. Au sujet des œufs, il n’existe à ma connaissance pas de risque spécifique associé à une surconsommation.

Au niveau clinique, il est presque impossible de fixer des seuils de surconsommation de produits d’origine animale, car il existe une très grande variabilité physiologique entre les individus. De plus, aucun marqueur biologique fiable ne permet d’établir de telles surconsommations. Si mon rôle de diététicienne est effectivement d’informer mes patients sur les connaissances actuelles concernant l’alimentation et la nutrition, en relayant notamment les messages nationaux de santé publique (comme je les ai décrits plus haut), mes prises en charge ne se limitent pas à cela : pour amener mes patient.es à prendre soin de leur santé par l’alimentation, mon travail doit également intégrer des données et outils issus des sciences comportementales, et prendre en compte le terrain génétique et l’histoire familiale et culturelle de chacun.e.

Quelles seraient les conséquences d’une offre végé dans les établissements publics de santé, pour les patient·es d’hôpitaux (et pour les autres) ?

En proposant des repas végétariens, les établissements publics de santé pourraient montrer par l’exemple que ce type de repas peut être à la fois diversifié, équilibré et savoureux.

Par ailleurs, la végétalisation de l’offre alimentaire représenterait un levier efficace à actionner par les hôpitaux pour diminuer leur impact écologique, et présenterait également l’avantage de faire baisser le coût moyen des repas, sans rogner sur la qualité proposée.

Qu’est-ce qu’il faudrait selon vous pour qu’un nombre croissant d’hôpitaux applique la loi ? 

Les hôpitaux doivent actuellement faire face à de nombreux problèmes et défis, du fait notamment d’un manque de moyens humains et financiers. Cette situation dégradée explique certainement en partie pourquoi — aujourd’hui encore – un certain nombre d’hôpitaux n’applique pas cette loi Climat intégrant une offre végétarienne quotidienne.

Dans un premier temps, il me paraît important de pouvoir ouvrir le dialogue avec les différents acteurs des établissements publics de santé, ce qui permettrait d’évaluer leur situation au plus juste. Plus précisément, il pourrait être utile de recueillir les craintes, les aprioris, les attentes, les réussites et tentatives infructueuses en lien avec cet objectif de mise en place de repas végétariens.

Il pourrait par la suite être envisagé de mettre en contact les établissements qui appliquent déjà la loi avec les autres, afin que ces derniers puissent bénéficier de leur retour d’expérience.

Virginie Bach, diététicienne

Il me semble aussi nécessaire d’informer les structures de soin sur les différents enjeux d’un tel changement : donner l’image d’un établissement engagé sur les sujets de la santé publique et de l’écologie, et agir en faveur d’une plus grande éthique du soin en proposant une offre alimentaire plus inclusive.

Par ailleurs, peuvent exister des difficultés inhérentes à une formation insuffisante des personnels sur ces nouvelles questions, que ce soient des professionnels de santé ou des employés de cuisine.

Vous avez pu constater qu’une offre plus végétale aidait certain·es de vos patient·es. Avez-vous un exemple ?

Je peux vous citer l’exemple d’un de mes patients qui a découvert l’alimentation végétarienne grâce à son restaurant d’entreprise. Ce restaurant a été labellisé « Assiettes Vertes » par Assiettes Végétales et offre une option végétarienne quotidienne. Alors que ce patient n’est pas végétarien, il m’a confié choisir systématiquement cette option parce qu’il estime que c’est toujours le meilleur des menus proposés.

Je trouve que c’est un bel exemple du rôle positif que peut jouer la restauration collective dans la diversification alimentaire. Ainsi, mon patient a pu augmenter sa consommation de protéines végétales sans nuire au plaisir essentiel de manger, bien au contraire !

Pour conclure, j’espère que l’ensemble des établissements publics de santé pourront s’engager à appliquer la loi Climat dans les meilleurs délais, et j’invite tous les citoyens à signer la pétition d’Assiettes Végétales.

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