Rodolphe Landemaine, fondateur de la boulangerie végétale Land & Monkeys, considère que cet artisanat doit se hisser à la hauteur des enjeux écologiques et éthiques contemporains. “Impossible” ne fait pas franchement partie du vocabulaire de Rodolphe. Pour lui, il est urgent de “convertir le traditionnel en contemporain” en déconstruisant les produits afin de mieux les réinventer. Et c’est un succès !
Les singes de Rodolphe
Rodolphe Landemaine est boulanger et pâtissier. En 2007, il fonde la Maison Landemaine à Paris, boulangerie-pâtisserie qui va rapidement décoller. Il y a un peu plus de 6 ans, alors qu’il était végétarien, il change de régime alimentaire pour embrasser celui du véganisme. Rodolphe commence alors à décliner certains de ses produits en version végétale, avant d’avoir l’idée de fonder sa seconde “maison”, une boulangerie d’hôtes 100% végétale.
Land & Monkeys voit ainsi le jour en 2020. Les singes (“monkeys”) s’invitent dans son établissement tandis qu’il s’engage auprès de l’Institut Jane Goodall pour la protection de la biodiversité et plus particulièrement celle des primates. Mais à la carte de l’établissement, aucun singe évidemment. On pourra par contre y trouver pains, viennoiseries, pâtisseries et petite restauration salée. L’objectif de Rodolphe : une boulangerie « 100% sans produits d’origine animale et sans plastiques ».
Un ovni dans le milieu de la boulangerie-pâtisserie
En 2020, le projet paraît risqué, la faute à une préconception courante : la pâtisserie végétale ne tiendrait pas la route. Il explique : “Et c’est pour ça que ça n’a pas été pris au sérieux, parce que les professionnel·le·s de la gastronomie classique, beaucoup se sont dit, avec du 100% végétal, on ne peut pas reproduire l’univers de la boulangerie classique.”
Et pourtant, alors que je discute avec lui dans son établissement du 86 bd Beaumarchais, dans le 11ème arrondissement, les étals sont remplis de sandwichs, tartes, croissants et autres délices d’origine végétale. « Nous en fait, c’était un vrai défi. Finalement, on est arrivés à tout faire, et aujourd’hui il doit y avoir plus de 95% des produits standards qu’on arrive à faire en végétal ». Comment ?
Un innovateur du végétal
Comment se passer du beurre, du lait et des œufs, tous si chers à la pâtisserie traditionnelle ? Réponse : en se creusant la tête et en développant des alternatives efficaces. Land & Monkeys a mis au point des matières grasses, telles que de l’huile émulsionnée avec du beurre de cacao, qui se substituent parfaitement à celles d’origine animale.
Rodolphe travaille aussi avec des ingénieur·e·s agroalimentaires afin de trouver les meilleures formules permettant de “garder l’imaginaire de ce qu’on a dans une boulangerie”. Le sandwich au soja qui atterrit entre mes pattes ressemble à s’y méprendre à un sandwich poulet. Car ici, on fait cuire les protéines de soja exactement comme on ferait cuire un filet de poulet aux herbes de Provence. Le chef commente : “Tu retrouves le goût et la consistance d’un sandwich poulet”.
Innover, c’est aussi échanger connaissances et bons tuyaux entre cuistots. Rodolphe suit les avancées d’une pâtissière russe qui travaille à élaborer une pâte à choux végétale. “Dès le début, on partage tout. Aujourd’hui, c’est ce qui anime pas mal de chef·fe·s qui travaillent dans le végétal. On le fait parce qu’il y a obligation que les choses évoluent vers plus de végétal.”
Une « boulangerie de quartier » avant tout
C’est peut-être ce qui fait le succès de Land & Monkeys : sa devanture n’affiche pas le 100% végétal en gros et avec des néons. Pourquoi ? Parce que L&M est avant tout une boulangerie de quartier.
Contrairement à ce à quoi il s’attendait, Rodolphe n’a jamais reçu de critique quant au caractère 100% végétal des produits. Quelle que soit leur alimentation, les client·e·s ressortent content·e·s et repu·e·s. Il s’amuse des commentaires qu’il reçoit parfois : “Végane, j’aime pas, mais vous, oui !”.
Pour lui, cet apparent paradoxe est bon signe. D’origine végétale ou non, une bonne pâtisserie, un bon sandwich n’en sont pas moins bons, tout court. Nous, en tout cas, on apprécie la démarche ! Rendre normale une alimentation plus végétale, c’est avant tout la proposer tout simplement, et c’est ce que fait Rodolphe.
Un travail récompensé par les Trophées de l’Alimentation Végétale
Cet octobre, Rodolphe Landemaine est arrivé en troisième place du podium des Trophées de l’Alimentation Végétale, qui récompensent les personnalités qui font avancer l’alimentation végétale. Un grand bravo à lui pour ce prix bien mérité et qu’il partage avec notre propre « poulain » chez Assiettes Végétales, à savoir notre co-fondateur Cyril Ernst. Un grand bravo à eux !