Quelle alimentation végétale pour la restauration collective ? Une diététicienne nous répond !

 

L’alimentation végétale revêt encore bien des mystères. Quand on est enfant, les préconisations en matière d’alimentation ne manquent pas, qu’elles soient formulées par les parents, l’école ou le club de sport. Un repas doit être équilibré, et gare à vous si vous ne mangez pas les fameux « 5 fruits et légumes par jour » ! Seulement voilà, ces conseils portent sur une alimentation « classique », donc carnée et, à présent ado ou adulte, il faut se motiver fort pour apprendre comment bien manger autrement. Aujourd’hui, Emeline Bacot, diététicienne nutritionniste spécialiste de l’alimentation végétale, lève le voile sur ce mode d’alimentation et nous en apprend plus sur ce que nous aimerions trouver dans nos assiettes.

 

Bonjour Émeline, dites-nous un peu qui vous êtes et comment on devient spécialiste en diététique végétale.

Je suis Émeline Bacot, diététicienne-nutritionniste en libéral depuis 2015. Je consulte en cabinet, à domicile et en visio.

Titulaire d’un BTS diététique, je continue de me former régulièrement. J’ai suivi le DU Troubles du Comportement Alimentaire à l’université Paris Descartes, la  Formation sur la prise en charge diététiques des patients atteints de MICI proposée par l’AFA ainsi qu’une formation en pâtisserie végane et sans gluten dispensée par Linda Vongdara. Plus récemment je me suis formée à la phytothérapie et aux méthodes de thérapies comportementales.

Je suis notamment spécialisée en alimentation végétale. J’ai d’ailleurs été membre de la commission nutrition-santé de l’AVF pendant 4 ans (ça a pris fin car je n’avais plus assez de temps à lui consacrer).

J’anime également des ateliers cuisine. D’abord chez des particuliers, puis dans l’enceinte du magasin Zôdio à Herblay depuis 2017. Je crée mes recettes et anime avec passion chaque atelier en faisant découvrir l’alimentation végétale et en donnant des informations de nutrition dans le but d’allier plaisir et santé via l’alimentation.

Sensible à l’écologie et à la préservation de l’environnement, je m’intéresse depuis longtemps au mouvement zéro déchet. Je m’applique donc de plus en plus à intégrer cette notion dans ma pratique professionnelle autant que dans ma vie personnelle.

 

En tant que diététicienne, quels sont pour vous les atouts d’un choix 100 % végétal en restauration collective ?

Cela permet d’une part d’offrir la possibilité aux enfants ne consommant pas de viande (pour des questions éthiques, religieuses ou simplement par goût) d’avoir des repas équilibrés. Car actuellement, quand un enfant ne mange pas de viande ou poisson, l’aliment est tout de même présenté à l’enfant. Libre à lui de le consommer ou non. Il n’y a rien de prévu pour satisfaire les besoins nutritionnels de ces enfants. Ce qui n’est pas satisfaisant d’un point de vue santé puisque l’enfant manque alors d’une source de protéine (et question éthique ça n’est pas satisfaisant non plus).

D’autre part, cela permet de ne pas stigmatiser d’enfants ou les mettre de côté. C’est malheureusement souvent le cas, les enfants « sans viande » sont regroupés à une même table pour des questions pratiques et donc exclus du reste du groupe.

De plus, en terme de coût, une offre 100% végétale est plus avantageuse car les matières premières coûtent moins cher. Ou au pire, il n’y a pas de surcoût. Cela pourrait donc permettre de réduire le prix des repas à la cantine et donc un accès facilité à des repas équilibrés.

 

Nous souhaitions en savoir un peu plus sur le rapport entre lipides et protéines végétales. Certains cuisiniers semblent intéressés et se questionnent sur l’équilibre à accorder aux deux.

En restauration collective, des fréquences de présentation d’aliments sont recommandées (GEMRCN). Dans ces recommandations, certains plats ont des quotas maximums à cause de leur rapport P/L qui doit être supérieur à 1. C’est-à-dire que certains aliments apportent trop peu de protéines par rapport à leur teneur en lipides. Cette limitation concerne les plats protidiques et les pâtisseries.

Concernant les végétaux bruts, les fruits, légumes, céréales et légumineuses ont un bon rapport P/L. Les oléagineux en revanche ont un rapport P/L inférieur à 1, mais ils ne constituent pas un repas à eux seuls donc ça n’est pas problématique.

Les plats végétaux peuvent avoir un rapport P/L inférieur à 1 s’ils sont constitués de produits transformés (dont certains entrent dans d’autres catégories de préparations dont la fréquence est limitée) et de peu de produits bruts.

Il n’y a donc globalement pas de problème avec cette notion de rapport P/L et les repas végétariens.

 

Comment définiriez-vous un repas 100% végétal équilibré pour les différentes classes d’âge ?

Un repas 100% végétal équilibré et convenant à tous se compose de légumes, de céréales et de légumineuses (proportions respectives ½, ¼ et ¼ , ou un tiers de chaque). Sans oublier également une matière grasse de qualité.

Il est important que soit présente une crudité (fruit ou légume) pour l’apport de vitamines et minéraux (dont on perd une partie à la cuisson).

On peut également y ajouter des oléagineux en petite quantité pour l’apport en protéines et bons gras notamment.

Les équivalents de produits laitiers (yaourt de soja et autre) ne sont en revanche pas nécessaires.

Le sucre et le sel ajoutés sont à éviter car pas nécessaires et délétères si consommés en excès.

 

La législation actuelle permet-elle de servir une offre végétale dans les cantines scolaires et universitaires ?    

La législation actuelle rend obligatoire de respecter des maximums et des minimums de présentation de plats et aliments. Notamment une recommandation d’inclure dans les menus certains aliments d’origine animale (GEMRCN). Cependant, cela rend tout à fait possible de servir des repas 100% végétariens : 12 menus sur 20 précisément.

De plus, depuis le 1er novembre 2019, toutes les cantines scolaires ont l’obligation légale de proposer un menu végétarien (à minima) par semaine.

En ce qui concerne la restauration collective adulte comme les restaurants d’entreprise, l’application des recommandations du GEMRCN n’est pas obligatoire.

 

Pouvez-vous nous donner quelques infos sur les protéines végétales ? Est-ce qu’elles tiennent la comparaison avec les protéines animales ?

Les allégations sur la soi-disant mauvaise qualité des protéines végétales sont totalement obsolètes et trouvent leur origine dans des études menées sur des rats au début du 20e siècle. L’une de ces études avait alors montré que les rats grandissaient mieux en consommant de la caséine (protéine du lait) que de la zéine (protéine du maïs). Cependant, nous ne sommes pas des rats et nous ne consommons pas des protéines isolées comme dans cette expérience.

Divers indices de qualité ont ensuite été mis en place. Pendant longtemps, la protéine de référence était une protéine semblable à celle de l’œuf. En toute logique, si la protéine de référence avait été celle des lentilles par exemple, les résultats auraient été différents et donc la perception que l’on avait de la qualité des protéines végétales l’aurait été aussi.

Depuis, d’innombrables études ont été menées, avec des résultats fiables cette fois, et ont permis de démonter ces théories. La protéine de référence actuelle ressemble d’ailleurs un peu plus à une protéine végétale.

Le mythe des protéines végétales incomplètes persiste malheureusement encore. Il vient également, en plus des raisons précédemment évoquées, d’une erreur commise par Frances Moore Lappé, sociologue et écrivaine, qui étudiait les relations entre famine, pauvreté et crises environnementales, ainsi que les solutions possibles.

Dans l’édition de 1971 de son livre Diet for a small planet, elle suggère de combiner céréales et légumineuses, car les céréales et les légumineuses présentent chacune un acide aminé limitant, c’est-à-dire présent en moindre quantité par rapport à la protéine de référence (une protéine animale donc). Dans les céréales, il y a peu de lysine, qui est en revanche abondante dans les légumineuses, et inversement, l’acide aminé limitant dans les légumineuses est la méthionine, qui est abondante dans les céréales.

Mais encore une fois, on obtient ce résultat parce que la protéine de référence choisie est une protéine animale.

Cette combinaison permettait donc, d’après cette théorie, d’obtenir une protéine complète.

Dix ans plus tard, Frances Moore Lappé, consciente de son erreur, a modifié ce passage du livre dans une nouvelle édition. Malgré tout, le mythe des protéines incomplètes reste présent.

En réalité, la teneur en acides aminés des aliments n’est pas un problème dans la mesure où l’alimentation est variée et quantitativement satisfaisante. Il n’est donc pas nécessaire de mettre en place des stratagèmes pour s’assurer de couvrir le besoin en protéines.

 

Quels ingrédients recommandez-vous afin de manger 100% végétal tout en ayant la moindre empreinte écologique possible ?

L’élevage est l’une des principales causes de la déforestation et de la dégradation des terres.

De façon générale, l’alimentation végétale a donc un impact beaucoup plus faible sur l’environnement qu’une alimentation omnivore.

Pour aller encore plus loin en termes d’empreinte écologique, manger de saison et local est une solution possible.

 

“Un bon assaisonnement, ça change tout”. Êtes-vous d’accord ? Que  recommandez-vous ?

Totalement. Les épices et herbes aromatiques notamment changent la saveur d’un plat. En restauration scolaire, notamment auprès des plus jeunes, on évitera tout de même les épices qui piquent/brûlent.

Pour les vinaigrettes, tous les vinaigres ne sont pas équivalents en termes de goût et il peut être intéressant de varier pour obtenir une palette de saveurs plus large. Le jus de citron est également une bonne option.

Le sel est un exhausteur de goût mais son utilisation doit être limitée car la population en consomme globalement toujours trop à l’heure actuelle et il a des effets délétères sur la santé cardio-vasculaire.

 

Le soja est-il un aliment intéressant dans une offre végétale ? Ne dit-on pas qu’il est dangereux ?

Le soja constitue une source de protéines intéressantes et peut tout à fait être intégré à une alimentation végétale sous forme de tofu, tempeh, protéines de soja texturées, flocons…

Le soja est régulièrement source de polémiques à cause de sa teneur en isoflavones (aussi appelées phyto-œstrogènes) qui sont en fait des polyphénols (antioxydants). La structure de ce composé ressemble à celle des œstrogènes (hormones féminines), mais n’en a pas les effets. Il n’y a donc pas de risque d’avoir des troubles hormonaux en consommant du soja. En effet, d’après des experts, l’affinité des phyto-œstrogènes avec les récepteurs des œstrogènes est de 100 à 1 000 fois moins forte que celle des hormones naturelles et des hormones de synthèse.

L’effet de ces phyto-oestrogènes varie selon l’organisme de chacun, notre équilibre hormonal et le type de phyto-estrogènes consommés. Pour faire simple, les phyto-œstrogènes agissent comme des modulateurs hormonaux : ils peuvent aider à contrebalancer un déficit en œstrogènes ou inversement une production trop importante d’œstrogènes (et donc leurs effets indésirables).

De nombreuses études montrent ainsi l’effet bénéfique du soja (grâce aux phyto-œstrogènes) sur les cancers gynécologiques, et réfutent l’hypothèse selon laquelle le soja provoque une puberté précoce.

De plus, il est utile de rappeler que certains aliments d’origine animale comme les produits laitiers contiennent naturellement de « vraies » hormones qui ont donc une réelle influence sur notre organisme. Et pourtant, pas grand monde ne semble s’en inquiéter…

 

Comment pouvez-vous accompagner des établissements à mettre en place /     équilibrer une offre végétale ?

L’accompagnement peut se faire sur la création des menus afin de proposer des repas de qualité, apportant les nutriments nécessaires et également savoureux (ce qui manque souvent dans les restaurants collectifs).

Pour cela il est possible d’accompagner les chef.fe.s dans la création de recettes adaptées aux contraintes de la restauration collective.

Il est également nécessaire d’informer le personnel quant à l’intérêt de la mise en place de telles mesures. Comprendre permet un engagement plus important.

 

Emeline BACOT, diététicienne-nutritionniste

Site Internet : https://emelinebacotdiet.wixsite.com/cabinet

 

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