Le mois dernier, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) publiait un avis scientifique et technique sur l’expérimentation du menu végétarien en restauration scolaire. Selon elle, « l’augmentation du nombre de menus sans viande ni poisson ne modifie pas le niveau de satisfaction des apports en nutriments, au regard de l’atteinte des références nutritionnelles ». L’instance sanitaire concluait qu’il n’est « pas pertinent de proposer de ce fait une fréquence maximale de menus sans viande ni poisson », ouvrant donc la porte à l’offre d’options végétariennes quotidiennes en cantine scolaire.
Un potentiel écologique majeur
Assurer une plus grande liberté de choix aux élèves pour leur permettre de varier leur apport protéique, suivant ainsi les dernières recommandations sanitaires, n’était pas la seule motivation de l’expérimentation du menu végétarien. Dans le cadre de l’examen de la loi Climat votée en avril 2021, de nombreuses associations écologistes telles que Greenpeace ou le Réseau Action Climat ont œuvré à rendre plus facile l’accès à un choix végétal en cantine scolaire et dans les administrations.
Les accords de Paris visent à limiter le réchauffement planétaire à un niveau inférieur à 2 degrés. Pour les respecter, les Français devront diminuer leur empreinte carbone de près de 80 % d’ici 2050. La restauration collective est un levier primordial pour atteindre cette réduction. Non seulement elle représente quatre milliards de repas par an, mais elle encourage aussi la curiosité culinaire en proposant aux usagers des aliments et des plats qu’ils n’auraient pas cuisinés par eux-mêmes ou trouvés à la table familiale.
Sortir l’imaginaire gastronomique des Français de l’ornière du plat principal d’origine animale et de son simple accompagnement végétal est crucial si l’on veut à la fois agir pour l’environnement et pour la santé publique. L’accès à des plats végétaux quotidiens dans toute la restauration collective serait une mesure à l’impact écologique très fort : une étude commanditée par Greenpeace montre que deux menus végétaux par semaine dans les cantines scolaires réduiraient d’environ un tiers les émissions de gaz à effet de serre émis par la production des aliments, soit l’équivalent de 680 000 allers-retours Paris-New York en avion.
Des convives de plus en plus ouverts au végétal
En France comme en Allemagne, les jeunes sont les plus demandeurs d’actions en faveur du climat. Chez notre voisin 30 à 50 % des plats servis dans les restaurants universitaires sont végétariens ou végétaliens, répondant à l’appel d’étudiants motivés par l’environnement et la condition animale.
Chez nous, les restaurants universitaires s’adaptent progressivement aux souhaits des nouvelles générations. Ainsi, le restaurant universitaire Paul Appell à Strasbourg sert chaque jour entre 25 et 30 % de plats végétaux. Le constat est le même dans d’autres CROUS comme ceux de Reims, de Strasbourg et celui de Bourgogne Franche-Comté où les semaines thématiques organisées par l’association Assiettes Végétales ont rencontré un vif succès : 38 % des étudiants ont choisi le plat végétal à cette occasion.
La grande majorité des convives adultes de la restauration collective est tout aussi favorable aux menus végétariens : selon un sondage commandé par l’association Assiettes Végétales, ils sont 85 % à se dire favorables à une option végétarienne quotidienne. Le reste de la population est au diapason : une étude IFOP parue le 3 décembre montrait que 3 Français sur 4 sont prêts à réduire leur consommation de protéines animales.
Paris doit montrer l’exemple
La mairie se targue d’être « une ville leader dans la lutte contre le changement climatique » et prétend atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050. Oeuvrer à l’évolution des pratiques alimentaires, y compris à la maison, est un travail de longue haleine qui peut prendre plus d’une génération. Cependant, l’ampleur de l’enjeu justifie d’engager maintenant le changement via la restauration collective, puisque l’alimentation constitue à elle seule 25 % de l’empreinte climatique de Paris (hors aviation).
La Ville de Paris devrait donc être à la pointe des mesures scientifiquement reconnues pour limiter le réchauffement climatique. L’Organisation Mondiale de la Santé et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) préconisent de consommer 50 % de protéines végétales et 50 % de protéines d’origine animale.
L’INRAE et l’ANSES indiquent également que les enfants et adultes français consomment plus de protéines d’origine animale que les apports recommandés. Une végétalisation importante des assiettes servies par la ville permettrait un nécessaire rééquilibrage alimentaire tout en diminuant de façon simple et immédiate son empreinte carbone. Les écoles des 2ᵉ et 18ᵉ arrondissements proposent déjà deux journées végétariennes par semaine et celles du 19ᵉ arrondissement une option quotidienne.
Nous exhortons la mairie de Paris et Audrey Pulvar, adjointe à la maire de Paris en charge de l’alimentation durable à instaurer dès 2022 un choix végétal quotidien dans les cantines de ses administrations et de ses établissements d’enseignement – crèches, écoles primaires, collèges – afin d’arriver d’ici fin 2026 à une part de menus végétaux égale à 50 % de l’offre globale.
Cyril, co-fondateur d’Assiettes Végétales
Retrouvez cette tribune dans le journal Libération, ici.