Depuis quelques années, les alternatives végétales prennent leur essor dans la restauration collective, et 2018 n’aura pas fait exception. Faisons le point sur les avancées survenues cette année en France, et les défis restant à relever.
Une législation plus favorable
En avril, à l’occasion de l’examen du projet de loi agriculture et alimentation, les députés ont voté un amendement invitant les organismes de restauration collective à présenter un plan de diversification des protéines, afin d’inclure des alternatives à base de protéines végétales aux repas qu’ils proposent [1]. Quelques mois plus tard, en septembre, l’Assemblée nationale a donné son feu vert à l’expérimentation d’un menu végétarien ou végétalien dans les cantines scolaires « au moins une fois par semaine » pour une durée de deux ans, une décision prometteuse [2].
Ces avancées législatives vont de pair avec un intérêt institutionnel croissant, comme le montre le dossier « Alimentation et Environnement » de l’ADEME, qui fait la part belle aux légumineuses [3].
Une offre en développement
Les alternatives végétales ont le vent en poupe dans la restauration universitaire. En septembre 2017, les CROUS avaient décidé de proposer des plats végétariens au quotidien. Toutefois, il y a un an, lorsque nous avons démarré Assiettes Végétales, seules Lille et Besançon proposaient des options 100% végétales quotidiennes dans certains de leurs restaurants. En d’autres termes, malgré une décision prometteuse, l’offre d’alternatives complètes (entrées, plats, desserts végétaux) dans son ensemble était encore très rare. Notre objectif est de la développer.
Fin 2018, la situation a quelque peu évolué. Nos échanges avec une dizaine de responsables de restaurants universitaires ont abouti à quelques victoires : une option végétale hebdomadaire dans un restaurant strasbourgeois, l’engagement du CROUS de Normandie de tester une option végétale quotidienne dans un restaurant à Caen au printemps 2019, ainsi que la mise en place d’options végétales quotidiennes dans deux restaurants à Amiens. Les effets d’entraînements de ces mesures combinés à la poursuite de notre campagne pourraient bien conduire à de nouvelles victoires dans les mois qui viennent.
Concernant les cantines scolaires, si la nouvelle loi rendant obligatoire la proposition d’un menu végétarien ou végétalien au moins une fois par semaine dans toutes les cantines constitue une avancée, elle n’est en revanche pas suffisante au regard des défis auxquels nous sommes confrontés. D’où la pertinence des travaux menés par l’Association végétarienne de France, conjointement avec Greenpeace France, visant à sensibiliser les maires sur la mise en place des alternatives végétariennes [4].
Sur la question de la restauration collective dans son ensemble, des fournisseurs ont ouvertement manifesté leur intérêt pour la cuisine végétale. Le groupe Newrest, qui sert un million de repas par jour, a publié cette année son premier guide culinaire consacré à la cuisine végétale, afin d’inviter ses restaurants à diversifier leur offre [5]. D’autres fournisseurs de premier plan ont également pris des engagements pour la diversification de leurs produits, comme Eurest qui affirme vouloir privilégier des « plats veggies » [6] ou Sodexo, qui a, entre autres, pris une participation majoritaire dans Food Chéri, dont la moitié des plats distribués sont à base de plantes [7]. Ces prises de position sont des signes qui ne trompent pas et auront un impact sur les plats servis en cantine d’entreprise, mais aussi dans les hôpitaux et prisons.
Une filière en plein boom
Si le développement des alternatives végétales en restauration collective progresse, c’est en partie lié au dynamisme du marché, aussi bien en France qu’à l’échelle mondiale. On estime que le marché mondial des matières protéiques végétales (MPV) progressera au rythme moyen annuel de 5,5% d’ici 2020 pour frôler la barre des 11 milliards d’euros [8].
Dans ce contexte, la France poursuit la mise en œuvre du plan protéines végétales 2014-2020 pour développer la filière légumineuse et sécuriser les débouchés des cultures végétales pour l’alimentation humaine et animale [9]. Selon les derniers chiffres connus, la production hexagonale de MPV progresse de 7% par an [10]. Ce qui est intéressant, c’est que les industriels de l’agroalimentaire jouent désormais un rôle actif dans cette transition. Par exemple, Bell et Danone manifestent leur intérêt pour les protéines végétales pour remplacer les protéines laitières. Il faut dire que les MPV jouissent d’un avantage comparatif quant à leur prix. Il n’est donc pas étonnant que les lancements de produits à base de plantes se soient multipliés.
Des produits toujours plus innovants
Cette année a été l’occasion de voir entrer en jeu des acteurs très prometteurs. L’exemple le plus emblématique est la start-up Hari&Co [11] qui, après avoir servi 750 000 repas en restauration collective et commerciale en 2017, a annoncé qu’elle allait notamment travailler avec les CROUS pour faire déguster ses steaks et boulettes à base de plantes aux étudiants. Elle a compris que proposer des produits dont la texture et le goût sont proches de ceux des plats couramment consommés par les usagers semble être un élément clé d’une adoption pleinement réussie.
De manière générale, le développement de ce type de produits pourrait bien contribuer à favoriser l’acceptation des protéines végétales. Ainsi, les partenariats entre les start-ups développant des alternatives à la viande, parfois très réalistes (des équivalents de Beyond Meat, entreprise américaine célèbre pour ses burgers 100% végétaux si élaborés que l’on ne saurait les distinguer de la viande [12]) et les restaurants servant beaucoup d’usagers pourraient figurer parmi les mouvements ayant le plus d’impact au cours des prochaines années.
Une demande croissante
Pour rappel, les dernières enquêtes connues nous informent que 30 à 43% des personnes envisagent de réduire significativement leur consommation de viande (Herta 2016, Lesieur 2017 [13]). La progression régulière de ce chiffre depuis une décennie nous amène à penser que le développement des alternatives végétales dans la restauration collective est une tendance durable qui répond aux préoccupations légitimes des citoyens. Parmi elles, on retrouve évidemment des préoccupations d’ordre sanitaire, environnemental, ou encore celles liées au bien-être animal.
Des marges de manœuvre encore élevées
Sur le versant de la restauration scolaire, les derniers chiffres en date nous apprennent que près de sept écoliers sur 10 n’ont pas d’autre choix que de manger de la viande ou du poisson à la cantine. 69% des enfants n’y mangent jamais de menus végétariens. Au total, la consommation de viande et de produit laitier actuelle correspondrait à deux voire quatre fois celle recommandée par l’ANSES pour les enfants de 3 à 11 ans [14]. Ainsi, nous sommes encore loin de l’objectif, d’où la nécessité de poursuivre les efforts engagés, et d’être attentifs aux évolutions législatives sur le sujet.
Mais que ce soit à l’école, dans les restaurants universitaires ou dans les autres lieux de restauration collective, les alternatives végétales sont encore trop souvent reléguées au rang de variables d’ajustements, disponibles selon la bonne volonté des chefs ou directeurs en place, alors qu’elles devraient être disponibles partout de façon quotidienne, compte tenu des enjeux à la clé [15].
Nous sommes convaincus que la mobilisation grandissante d’acteurs largement suivis autour du sujet, ainsi que la poursuite des travaux menés par les associations de promotion des alternatives végétales dont Assiettes Végétales permettront de faire bouger les lignes en faveur d’une restauration collective plus durable. Rendez-vous en 2019 ! Et pour nous permettre de mener notre campagne cruciale, pensez à faire un don.
Tristan ROTH
Co-fondateur d’Assiettes Végétales
Références
[2] https://www.neorestauration.com/article/des-repas-vegetariens-hebdomadaires-dans-les-cantines,42892
[4] https://www.neorestauration.com/article/des-repas-vegetariens-hebdomadaires-dans-les-cantines,42892
[5] https://www.neorestauration.com/article/newrest-publie-un-guide-culinaire,42340
[6] https://www.eurest.fr/actualite/eurest-cultive-le-flexitarisme/
[7] http://blog.foodcheri.com/sodexo-prend-une-participation-majoritaire-dans-foodcheri/
[8] https://www.neorestauration.com/article/vegetal-animal-le-match-ne-fait-que-commencer,42370
[9] http://agriculture.gouv.fr/le-plan-proteines-vegetales-pour-la-france-2014-2020
[15] https://assiettesvegetales.org/objectifs/
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