Fanny Mijon est cheffe du restaurant vegan The Friendly Kitchen, dans le 11ème arrondissement à Paris. Après des études de commerce et une première carrière dans le marketing de mode, Fanny décide de changer de voie en s’attaquant à la cuisine. En bonne autodidacte, elle apprend sur le tas, dans des restaurants parisiens, avant de lancer son propre restaurant il y a trois ans. Entretien avec une cheffe qui fait du goût sa profession.
Apprendre sur le tas, faute de formation à la cuisine végétale
“Pendant deux ou trois ans, j’ai enchaîné les expériences en restauration à Paris. J’essayais d’apprendre sur le tas car il n’y a pas de CAP végé / vegan en France. Même en CAP pâtisserie, j’aurais appris à faire des crèmes pâtissières avec du lait et du beurre, pour après déconstruire tout ça en retravaillant les recettes en version végétale. Je n’en avais pas envie.
A Paris, il y a eu une explosion des établissements vegan ces dernières années, mais ça reste encore très centré autour de la street food. Du côté de la bistronomie végétale un peu plus travaillée, il y a Le Potager de Charlotte, Soya, moi… Mais il faut que ça se développe ! Et ce qui bloque là encore, c’est le manque de formation à la cuisine végétale.”
La bistronomie en mode végétal
“A l’automne dernier, on avait travaillé des kefta de lentilles avec une mousse de potimarron et c’était le carton, donc ça je sais que je vais le remettre parce que ça plait. Aussi, on avait retravaillé les poireaux vinaigrette, mais avec un assaisonnement miso et de l’échalote avec une tuile de sésame.
Une cuisine classique, de bistrot mais en version vegan et moderne, ça plait.”
Cuisine végétale : travaillons les textures
“Le premier constat que j’ai fait avec la cuisine végétale, c’est que tu n’as pas de morceau de viande à découper, te permettant de prendre ton temps pour manger. Souvent, en végétal, on va manger un bol de riz et de légumes par exemple, ce qui manque de texture. A chaque fois que je travaille un plat, je me dis : il va falloir du croquant, mais aussi une consistance un peu crémeuse et grasse, et enfin un élément à découper dans l’assiette.
On peut travailler avec des oléagineux : un crumble de noix avec de la levure maltée, ou encore un granola salé permettent d’apporter un peu de mâche. Pour moi, ça passe aussi par les cuissons : avoir des légumes que tu gardes un peu croquants, des carottes rôties plutôt que bouillies ou cuites à la vapeur.”
Le bon réflexe des épices
“Ensuite, c’est le travail des épices, mais pas que les épices lointaines. En France, on ne travaille pas encore assez les épices, je trouve. Quand on se met au véganisme, on utilise souvent du curry pour relever les plats, ce genre d’épices. Mais sans aller aussi loin, des mélanges d’herbes, d’aromates que l’on trouve en France permettent d’agrémenter un plat.
C’est pourquoi quand je commence une carte, je réfléchis aux légumes de saison, puis je regarde ce que mes fournisseurs d’épices proposent. Certains mélanges m’intriguent, je fais des tests et c’est comme ça que je lance ma carte.”
La cuisine végétale : une cuisine comme les autres
“Je pense que la première chose au resto, c’est le lien social, mais c’est aussi nécessaire d’y découvrir de nouvelles choses. Quand on végétalise son alimentation, on ne sait pas trop par où commencer : c’est pourquoi en tant que cheffe, je pense qu’il est important d’inspirer et de montrer autre chose.
Pour moi, l’important dans mon restaurant, c’est de montrer que tu peux faire une bonne cuisine, entrée-plat-dessert, accord mets-vins, un repas équilibré mais complet, tout en ayant un engagement avec des produits de saison, essentiellement bio, avec une carte qui bouge. L’expérience de la cuisine végétale, c’est pas un truc où tu te prives, en fait. C’est un vrai plaisir ! C’est la cuisine traditionnelle française remise au goût du jour.”
La recette de fête de Fanny : le patidou surprise et sauce gravy
Fanny a très gentiment accepté de partager avec vous sa recette idéale pour les fêtes : le patidou surprise et sauce gravy. Cette recette et bien d’autres sont d’ailleurs à retrouver dans son livre de recettes : The Friendly Kitchen – 50 recettes végétales de saison, paru chez Alternatives le 2 avril 2022.