Entretien avec Chantal Garcia, cheffe de cuisine à l’ENSAAMA
Nina, une étudiante végane en BTS, se nourrit très bien dans de son établissement. De plus, régulièrement, l’ensemble des 300 étudiants ont un plat végé à la place de la viande, et l’apprécient ! Ce lycée supérieur à Paris ne dépend pas du CROUS mais de la Région Ile-de-France, et n’a pas la consigne de servir des alternatives végé.
Quel est donc ce mystère ? Partons à la rencontre de Chantal, la cheffe de cuisine. D’où viennent ses initiatives, comment s’organise-t-elle, quelles sont ses ressources ? Pendant la visite des lieux, Chantal me raconte tout :
« Ce que j’aime, c’est connaître les étudiants, c’est être proche d’eux et leur faire découvrir des choses. Je leur pose beaucoup de questions. Souvent, ils vivent dans une chambre. Le soir, ils ne se nourrissent pas très bien. Alors je fais attention à eux. Ils sont un peu comme mes enfants, la preuve, ma fille et mon beau-fils ont presque leur âge !
Quand j’arrive le matin, je suis heureuse. Je fais à fond mon métier. Selon le personnel présent, je lance le menu prévu ou je fais plus [notamment ce qui n’a pas été consommé la veille]. J’ai 5 véganes. C’est facile de cuisiner des choses pour eux comme pour les végétariens. D’autres ne mangent que des légumes, c’est plus difficile. Je trouve les idées de plats végétaliens parce que c’est mon métier !
Je sers le plat chaud. Je suis à la fin de la file. Je vois ce qui est mis sur le plateau. Et je pose des questions aux étudiants qui ne prennent pas d’entrée ou de dessert, comme ça je sais qu’ils mangent ou pas et ce qu’ils prennent comme plat principal. Je sais dès la rentrée quels sont ceux qui sont véganes, végétariens ou flexi. Ensuite, je vais dans la salle, et je leur demande s’ils ont aimé, ou pourquoi est-ce qu’il y a des restes dans leur assiette. Une étudiante a laissé ses pâtes hier, alors qu’elle a cours jusqu’à 17h ! Je lui ai dit de se nourrir mieux sinon à 16h, elle dépensera son argent pour rien en s’achetant un kébab.
Les étudiants me disent ce qu’ils aiment manger, ça me donne des idées. Ce qu’ils ne mangent pas chez eux, c’est aussi motivant pour moi. Je dois à tout prix cuisiner avec amour et savoir le vendre aux étudiants. Ce qui compte c’est donner du goût et d’abord donner envie aux yeux.
Je cherche à faire au mieux avec mon budget de 1,60 € par jour en denrée par personne (c’était à 1,80 avant). Je cuisine beaucoup, du frais ou du surgelé. Je passe par le groupement de marché et par des fournisseurs directement. J’obtiens des meilleurs prix.
Il y a deux ans j’ai remarqué qu’il y avait de plus en plus d’étudiants « sans viande ». J’ai eu l’idée de leur servir un plat végétarien, avec du goût, pour tous, une fois par cycle de menu, c’est-à-dire toutes les 3 semaines. Ils aiment, même ceux qui prennent toujours la viande ! Je mets les étudiants à l’aise pour avoir un peu de leur confiance et avec, ils goûtent à ce que je leur prépare. »
Chantal est curieuse de participer à la formation de la Véganista. Elle est aussi d’accord pour mettre sa recette des « Trois Pois » (petits pois, pois chiches et haricots rouges cuisinés aux herbes, aux épices douces et aux oignons) sur notre site. Ses raviolis au gingembre sont réclamés, elle donnera aussi son secret. Son intérêt a été piqué au vif en apprenant qu’en pâtisserie la compote de pomme se substituait aux œufs, et qu’une vingtaine de recettes végétaliennes étaient disponibles sur notre site.
« Les étudiants ici sont adorables, et je les adore ». Les étudiantes interrogées pensent la même chose d’elle. Déjeuner est un plaisir et une détente, quel que soit son régime alimentaire. »
Chantal, en assumant sa personnalité propre, est un exemple de la joie que l’on tire à défier les contraintes pour le plus grand bien de tous.